Mondanité Coûteuse

Une histoire pour les filles.

Avec une certaine hésitation, la sœur Alice prononça les phrases de conclusion aux jeunes filles qui s’étaient réunies dans la classe pour les jeunes. Elle leur avait exposé avec beaucoup de clarté la nécessité de maintenir leur virginité jusqu’au jour du mariage. De plus, la sœur Alice leur avait enseigné quelques points pratiques, à savoir comment les jeunes femmes chrétiennes doivent se comporter. Cependant, il y avait un point de plus qu’elle désirait partager avec ces jeunes filles. Se devait-elle l’exposer ? Ce point avait pour thème les vêtements qu’une jeune femme devrait porter. Il semblait que certaines de ces jeunes filles présentes prendraient le tout en riant. Finalement, Alicia dit :

— Bien, je crois que je vais m’arrêter ici pour aujourd’hui, à moins que… ma conscience me presse pour continuer au cas où l’une d’entre vous ait quelque chose à ajouter.

Elle observa alors le groupe de jeunes filles dont les visages exprimaient la surprise d’avoir terminé si tôt. Il était seulement huit heures trente du soir.

Une des jeunes filles qui se trouvait à la réunion ce soir-là, se leva et demanda bien humblement :

— Me permettez-vous de dire quelque chose ?

— Oui ! lui dit la sœur Alicia.

— Jeunes filles, prêtons attention à ce que sœur Dora veut nous dire. Je suis certaine qu’elle a quelque chose d’important à partager avec nous.

— Merci beaucoup, sœur Alicia, dit Dora de Léon. Je suis très reconnaissante à Dieu de m’avoir donné le privilège d’être ici et de pouvoir écouter les bons conseils donnés et de surcroît vous dire ce que je désire dire à vous toutes. Quand je suis arrivée ici avec l’objectif de passer une semaine avec mon amie Elena, je ne savais pas que ça me donnerait ce privilège.

— C’est un plaisir de t’avoir ici avec nous, lui dit la sœur Alicia.

— Bien, je désire vous raconter un peu l’histoire de ma vie, continua la visiteuse. Il me semble que notre sœur Alicia a terminé sa leçon trop tôt. J’espérais qu’elle mentionnerait quelque chose concernant la modestie de l’habillement comme un signe de la pureté du cœur d’une femme.

Dora se tourna vers la sœur Alicia, comme pour essayer de se justifier pour ce qu’elle avait dit, mais elle se sentit rassurée en voyant que soeur Alicia acquiesça de la tête et la regarda avec un sourire sur les lèvres.

— Très bien, je désire partager avec vous ce soir certaines expériences que j’ai vécues dans ma jeunesse, pour que vous arriviez vous-même à la juste conclusion concernant l’importance de s’habiller de façon modeste et humble :

Mon père est mort lorsque j’étais encore toute petite. Ma mère luttait pour maintenir ses quatre filles ensemble, mais ça lui était impossible. Une par une, on nous a envoyé vivre avec des voisins et de la parenté, certaines dans de bonnes familles, mais d’autres non. Très tôt cela a commencé à faire de grandes influences en nous et je me livrais complètement à la mondanité. Quand j’ai eu mes seize ans, j’étais débauchée. Je courais après « l’alcool et les hommes. » Certains jours je m’arrêtais à méditer et je me rendis compte de la condition bien triste dans laquelle je vivais. Mais je ne savais que faire. Je ne connaissais pas Dieu et mes amies ne le connaissaient pas non plus. C’est comme ça que j’ai commencé à boire plus que jamais et je me sentais de plus en plus mal. Mais un jour une femme chrétienne m’a aidée et m’a guidée vers Dieu. J’aime tellement cette sainte femme !

Ce qui est certain, c’est que lorsque je me suis convertie dans mon intérieur en femme chrétienne, je l’ai fait aussi dans mon extérieur. Je me rappelle que peu de jours après ma conversion au christianisme j’ai moi-même sorti de ma penderie ce qui ne me convenait plus de porter comme chrétienne. J’y avais des vêtements de bal, des vêtements sans manches, du maquillage, et plusieurs autres choses mondaines. Et dès que j’ai pu, j’ai commencé à me faire une robe qui allait bien avec une parure intérieure d’un esprit doux et paisible comme le décrit la Bible.

Tout allait bien dans ma vie et j’étais très heureuse durant plusieurs mois. Alors un soir je suis allée visiter une de mes anciennes amies qui habitait à l’autre extrémité de la ville, puisqu’elle avait insisté que j’aille la visiter. Elle n’avait rien entendu concernant ma conversion chrétienne. « Dora ! » s’exclama t’elle en me voyant, le regard stupéfait. « Comme ton allure est démodée ! Peut-être que Paris est allé chercher des idées à l’arche de Noé ? » dit-elle en se moquant de moi alors qu’elle tenait les larges manches de mon vêtement. « T’es pas gênée dans un vêtement large comme ça ? Dora ! Dora ! » disait-elle, se secouant la tête négativement. C’est ainsi que peu à peu faisant marche arrière, je lui ai raconté ce qui était arrivé dans ma vie.

— Mais comment n’ai-je pas remarqué ta coiffure ? Qu’est ce que c’est ça que tu portes sur la tête ? Si par hasard c’est un voile de mariage, où est le fiancé ?

C’est ainsi que ça s’est passé presque tout au long de notre visite. Quand est arrivé le temps de m’en aller, elle m’avait convaincue de porter un de ses vêtements modernes et de me faire une coiffure comme avant ma conversion. Quand je me suis vu dans le miroir, j’ai aimé mon apparence, mais en même temps elle m’a fait peur.

— Maintenant tu as l’air comme si on t’avait enlevé dix ans, me dit mon amie pour me flatter.

Ça m’a aussi enlevé la paix, pensai-je dans mon fort intérieur. J’ai eu peur de le dire à mon amie. J’étais lâche !

« Et que je ne te vois pas de nouveau avec ces vêtements si laids » m’a-t-elle ordonné avec dégoût. « À présent allons jeter tout ça au feu. » En disant cela, mon amie prit mon voile qui était sur la commode et en a fait une boule. « Non, non ! Je vais le porter, » ai-je protesté faiblement, le saisissant et le jetant dans ma bourse. Mais j’ai senti que ce n’était pas approprié de le remettre.

Je suis sortie de la maison de mon amie et j’ai dû marcher quelques coins de rue pour prendre le transport urbain qui m’amènerait vers ma demeure. Il était près de minuit et les rues étaient peu illuminées. Dans ce quartier de la ville les rues étaient vides, mes pensées me troublaient. Je ne pouvais pas prier. Je me sentais sans défense comme un enfant perdu. Quand j’étais sur le point de passer une des rues les plus obscures, tout à coup un homme est apparu et m’a dit :

— Bonsoir mademoiselle !

— Oh non !  C’était un inconnu ! Que devais-je faire ? Sans lui répondre, je continuais à marcher le plus vite possible. Merci à Dieu, j’ai réussi à arriver à l’arrêt d’autobus.

— Tout juste !  pensai-je. Pourquoi suis-je sortie seule à cette heure de la nuit ? Mon Dieu, aide-moi à arriver à la maison sans encombre, et jamais je sortirai de nouveau seule le soir.

J’ai la certitude que Dieu écouta ma prière. Dieu n’avait pas à m’aider puisque je l’avais nié et que j’avais fait des choses bien sottes. Mais je sais qu’Il m’a écoutée, car je ne serais pas ici pour vous le raconter.

Tandis que j’attendais l’autobus, je me suis arrêtée pour regarder l’étalage de magazines de la pharmacie qui était là tout près. Soudain, je sentis une main sur mon épaule.

« Tu marches très vite, n’est-ce pas ? » me demanda la voix de la même personne que j’avais fui. « Mais je t’ai rattrapée. »

Mon cœur s’est mis à battre fortement. Je regardais par la fenêtre de la pharmacie pour voir où était le pharmacien. Il semblait qu’il était quelque part à l’intérieur et qu’il était en train de remplir une ordonnance pour le seul client qu’il avait à cette heure-là de la nuit.

Que pouvais-je faire ? Seigneur, il faut que tu m’aides, L’ai-je supplié à nouveau.

Pourquoi devrait-Il m’aider ? Je ne suis pas digne de Son aide, pensais-je. Je voulus courir à l’intérieur de la pharmacie, mais mon autobus était bientôt prêt à arriver. Si je le manquais, j’aurais à attendre une heure de plus.

J’essayai donc de cacher ma peur, feuilletant rapidement un magazine.

« Aimes-tu ce magazine ? Je te l’achète, » a tenté l’homme de me parler de nouveau.

« Non, merci, » dis-je brusquement sans le regarder. La revue ne m’avait aucunement intéressée.

— Je suppose que tu attends le prochain autobus.

« Oui, » dis-je rudement, espérant qu’il s’en aille. Ah moi ! pensais-je déçue. Je suis en train de lui donner de l’information.

— Bien, pourquoi l’attendre ? Mon automobile est ici, tout près. Allons-nous-en ! A-t-il suggéré.

« Écoutez bien, » me tournant vers lui. Ma peur s’en alla et l’indignation prit sa place. « Vous pensez que je suis une personne sans expérience ? Faites attention à ce que je vais vous dire ! Je connais vos tactiques. J’ai été victime d’hommes comme vous plusieurs fois. Quelques fois parce que je l’ai voulu ainsi et d’autres fois parce que j’ai dû le faire. Mais ce soir, merci à Dieu, ce ne sera ni d’une manière ni de l’autre. Ma vie n’est pas une proie pour la classe d’hommes comme vous depuis que je me… me… » en disant cela je me vis dans le miroir de la vitrine et me rendis compte que je n’avais aucune preuve visible pour soutenir ce que j’étais sur le point de dire, mais je l’ai dit de toute manière, « … depuis ma conversion chrétienne. »

« Quoi ! Chrétienne ? Est-ce que tu vas me dire que tu es chrétienne ? » Eh bien, qui aurait pu le deviner ? »

« Que savez-vous des chrétiens ? » lui demandai-je insolemment, peinée de son reproche.

— Je ne sais pas beaucoup. Ma mère était chrétienne. Ce que je me rappelle c’est qu’elle parlait toujours de ne paraître en rien à une femme mondaine.

J’ai voulu dire la même chose, mais à quoi ça m’aurait servi ?

« Bien, » dit-il, se reculant de deux ou trois pas, car il avait été trop près de moi. « Je regrette de t’avoir dérangée. À présent, veux-tu que je te donne un conseil ? Les hommes comme moi rencontrons la classe de femme que nous désirons dans des lieux comme celui-ci, à cette heure et vêtue de la même manière que tu l’es. Réellement, tu es une parmi peu de femmes que j’ai mal jugées. À qui la faute ? »

— J’ai appris une leçon, lui confessai-je. Vous avez raison de mal me juger. Désormais je tâcherai de montrer que je suis une femme chrétienne.

« Tâche de le montrer, » me dit-il avec grand sérieux, « Si tu veux que les hommes te respectent, » me dit-il. Il commença à s’éloigner en disant, « Suis fermement ta religion, car c’est la seule manière que tu pourras rester sur le bon chemin. J’ai suivi le bon chemin pour un peu de temps mais je m’en suis dévié. C’est pour ça que je sais de quoi je parle. Toi aussi tu vas mal, à moins que tu ne changes. »

— Je sais de quoi vous parlez et je vous assure que je désire changer ce soir même. Si vous venez qu’à me revoir un jour, vous me verrez alors différente, non comme ce soir.

— Je l’espère bien. Nous les hommes nous serions différents si toutes les femmes penseraient la même chose. Voici qu’arrive ton autobus. Fais un bon voyage. Bonne nuit !

« Bonne nuit. Et merci beaucoup pour votre conseil, » lui dis-je. Je me suis dit alors en moi-même : et merci à Toi, mon Dieu, pour l’avertissement que tu m’as donné à travers cette expérience. Je promets de me mettre en règle avec Toi.

Bien-aimées jeunes filles, j’ai gardé ma promesse et ce fut pour moi ma sécurité morale et ma croissance spirituelle. Je vous ai raconté cette expérience pour que vous viviez plus sagement que je ne l’ai fait dans le passé. S’il vous plaît, suivez le conseil d’une qui sait, et de cette manière vous éviterez beaucoup de remords.

En disant cela, sœur Dora s’est assise au côté de son amie Elena qui aussitôt se leva.

— Sœur Alicia, dit la jeune fille, amie présente ce soir, je dois faire une confession avant que se termine cette réunion. Si j’avais su ce que mon amie Dora était pour dire ce soir, je suis certaine que je l’aurais laissée à la maison et moi aussi j’y serais restée. Merci Dieu, que je ne l’ai pas fait. Je confesse que j’avais considéré de laisser les bonnes voies du Seigneur pour profiter des choses du monde. Vous vous étiez rendu compte que je m’étais éloignée peu à peu de Dieu. Cependant, en ce moment même je suis déterminée de ne pas le faire, après avoir écouté le témoignage de Dora. Je me rends compte que la mondanité me coûterait plus cher que j’avais pensé.

Ce fut ainsi que la sœur Alicia palpa ses yeux pleins de larmes et dit avec un ton de soulagement : « Elena, cela me fait grand plaisir. C’est la réponse à nos prières. »

Ensuite, avec un regard remplit de compassion elle considéra le groupe de jeunes filles et leur demanda : « Combien d’entre vous pensent que ça leur coûterait cher de suivre le chemin de la mondanité ? »

Et toutes les jeunes filles levèrent la main. Après avoir terminé la réunion pour les jeunes filles, la sœur Alicia alla vite donner la main à la sœur Dora et dit : « Sœur Dora, merci pour m’avoir aidée à faire de cette réunion l’une des meilleures qu’on ait eue. Tu m’as aidé à convaincre ces jeunes filles concernant ce qui me pesait tant à dire. Cependant, je n’avais pas le courage de le partager. Une fois de plus, merci beaucoup.

— Tu n’as pas à me remercier. Pour moi c’est une grande joie de t’avoir aidée en quelque chose que je considère d’ailleurs comme une responsabilité et une obligation. Si on a pu aider en quoi que ce soit à prévenir certaines d’entre elles, de ne pas suivre la vie misérable que j’ai vécue, alors je me sens satisfaite. Il y a des personnes qui croient que les jeunes filles apprennent par expérience, mais moi par expérience je peux dire que « ça lui revient très cher. »

— Ida Boyer Bontrager

Traduit de l’espagnol par Julie Bolduc

 

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